Plan de gestion du parc des Cordeliers de Salins-les-Bains

 

 

« Les romans du XIXe siècle regorgent de scènes qui se déroulent dans les parcs des stations thermales à la mode au XIXe siècle (Vichy, Evian…). A chaque fois, le parc thermal est décrit comme un tableau sensible et pittoresque…La nature supplante, en apparence toute entreprise urbanistique et artificielle. Cette image idyllique, finalement récurrente dans la littérature thermale, entretient et nourrit une ‘poétique de la ville d’eaux’ [Jarrassé, 1984]… C’est au moment de la promenade que le Goût du romantisme, de la rêverie, de la solitude et de la liberté s’expriment pleinement ». Frédéric Dutheil – Promenade dans les parcs de Vichy et saisons thermales (1850-1870) –

— Les études préalables : approche historique, étude paysagère —

A Salins, l’Aventure thermale débute en 1840, à l’époque où le docteur Claude-Marie Germain détermine les propriétés thérapeutiques des eaux salées de la ville. En quelques décennies, et pour répondre à l’afflux des curistes, l’urbanisme de la ville change profondément avec : l’apparition d’hôtels de luxe, d’un casino, d’un théâtre, et de nombreuses fontaines publiques soulignant la profusion des eaux de la ville… Dans les années 1870, Salins n’a toujours pas de parc thermal, qui pourtant est un ‘équipement thermal’ et un lieu de sociabilité incontournable de la villégiature thermale… Ainsi, en 1872, la Municipalité décide alors d’acheter un terrain de 78a 50c, ‘l’acquisition par la ville est d’un intérêt incontestable, on pourrait même dire, d’une nécessité absolue’.


Le parc des Cordelier tire son nom d’un très ancien couvent édifié sur cette parcelle au Moyen-âge et qui se trouvait sous le patronage de la puissante maison de Chalon.  Ce dernier situé au bord de la Furieuse, a été vendu comme bien national au moment de la Révolution et fût détruit dans l’incendie qui ravagea la ville de Salins, en 1825. Il reste encore sur le site plusieurs vestiges de l’ancien édifice religieux dont des colonnes et des chapiteaux ainsi que le puits du cloître, encore en eau.

  

Le projet du nouveau parc thermal est confié à l’architecte de ville, Joseph Chevaux. Le plan projet daté du 1er mars 1880 présente une composition pittoresque caractéristique des parcs publics de cette époque. Celle-ci est clairement inspirée des traités d’art des jardins : allées courbes, arbres disposés en bouquet et laissés en port libre, bosquets compacts… Dès l’origine, le projet a été pensé avec une riche ornementation venant dynamiser la composition : statuaire, rocailles, et pièces d’eau, qui sont autant de points d’intérêt qui devaient se découvrir par surprise le long de la promenade.

Le parc réalisé par Joseph Chevaux, sera remanié dans les années 1920. Une nouvelle composition régulière apparaît au Nord du parc, venant remplacer la grande pelouse à l’anglaise. Ce jardin aux lignes régulières répond, certes un peu tardivement, à une mode de l’art des jardins qui réintroduit le jardin à la française dans les compositions paysagères.

Même si les grandes lignes du projet de 1880 sont conservées, c’est une nouvelle image que va prendre le parc des Cordeliers avec des fabriques qui sont ajoutées en 1927 et en 1928 : kiosque à musique, chalet-buvette, et portails. De nouvelles plantations ont également lieu à cette époque. La palette végétale actuelle est pour l’essentielle héritée de cette période.

  

Après la seconde Guerre Mondiale on constate un essoufflement dans l’entretien du parc des Cordeliers. Ce constat est à mettre en parallèle avec le changement dans les pratiques du thermalisme en France, qui est progressivement délaissé par les élites.

— Le projet de restauration —

L’absence de gestion durant ces dernières années fait que le parc s’est petit à petit simplifié : perte du gabarit des allées, abandon des jeux d’eau, disparition de sujets importants dans la composition … Une restauration du parc est donc aujourd’hui devenue urgente pour tenter de préserver cet ensemble. Situé au cœur du centre historique de la ville, le parc des Cordeliers fait partie de tout un pan de l’histoire de Salins. Il est également un site marquant du paysage salinois, tant pour le tourisme que pour les habitants qui y ont passé leur enfance.Le projet de restauration, proposé à la Municipalité est prévu sur 6 ans. Il s’appuie à la fois sur les documents d’archives et sur les permanences lisibles sur le terrain, le but étant de respecter l’esprit du lieu. Le parc des Cordeliers répond à une typologie précise de jardins, celle des parcs publics de la seconde moitié du XIXe siècle, et plus précisément, celle des parcs thermals dont les compositions suivent certains principes : mise en scène de l’eau dans le jardin, une palette végétale et des vues évoquant en permanence l’air pur de la station, des divertissements, des arbres remarquables…. L’intérêt est donc de préserver cette identité bien particulière, tout en faisant évoluer le parc vers des enjeux plus contemporains, à savoir, offrir à la population un jardin de qualité qui n’est plus seulement un espace à voir, mais un espace à vivre.

Ce projet vise ainsi à maintenir les contours, les styles et les essences botaniques des différentes unités paysagères et à les lier entres elles, comme à l’origine, par un long parcours de promenade paysager et pittoresque. La restauration du parc des Cordeliers est envisagée sur trois niveaux, avec une première entité paysagère centrale : le ‘jardin anglais’ dernier témoin du projet d’origine, de 1880 ; puis un second niveau est proposé : la restitution du ‘jardin français’ qui a été créé dans les années 1920 ; enfin, une création contemporaine inspirée de l’histoire ancienne du site : un cloître végétal, espace de rencontre et d’échange.

Ces trois jardins seraient liés entres eux par un parcours de promenade grâce à un système simple de circulations qui s’articule autour d’une allée principale, en forme de fer à cheval. C’est aussi un parcours de l’esprit qui est proposé à travers les différentes thématiques abordées dans les trois niveaux, notamment par la statuaire et les jeux d’eau, autant de symboles invitant le promeneur à découvrir l’histoire de ce site mais également l’art de vivre dans une station thermale du XIXe siècle.